Design UX

Le designer doit mesurer, mais mesurer quoi, exactement ?

Dans les organisations, une injonction revient systématiquement lorsqu’on parle de design :
« Il faut des preuves », « il faut mesurer », « il faut démontrer l’impact ». Le problème, c’est que dans la majorité des contextes où le design intervient, il n’existe aucun état initial fiable permettant de mesurer quoi que ce soit.

Pas d’état de départ = pas de mesure possible

Lors de nombreuses missions de design stratégique, le constat est le même :

  • pas de vision claire de l’existant
  • pas de données consolidées
  • pas de référentiel partagé
  • pas de définition commune de ce qu’on cherche à améliorer

Demander au design de prouver son impact sans état de départ revient à demander une évolution sans point zéro. D’un point de vue méthodologique, c’est impossible.

Sur ce point, les cadres de mesure UX (HEART, UX maturity models, etc.) insistent tous sur la nécessité d’un baseline préalable : Google (2010). HEART Framework, Kerry Rodden et al.

La cartographie comme pré requis à toute mesure

C’est précisément là que la cartographie joue un rôle central, non pas comme outil de mesure directe, mais comme outil de cadrage stratégique.

Cartographier l’existant permet de :

  • rendre visible ce qui est diffus
  • transformer des ressentis en éléments observables
  • identifier des leviers mesurables réalistes

Autrement dit, la cartographie crée les conditions de la mesure.

Elle permet de définir : quoi on va mesurer / pourquoi on le mesure / à quel niveau (organisationnel, humain, opérationnel)

Sans ce travail de base, les indicateurs sont arbitraires, déconnectés du réel, et souvent contre-productifs.

Le design ne crée pas des chiffres par magie

Il est important de le dire clairement : le design n’est pas une solution miracle. Le design :

  • ne remplace pas la gouvernance
  • ne remplace pas les choix politiques ou stratégiques
  • ne compense pas des manques structurels
  • ne produit pas des indicateurs tout seul

Par contre, le design :

  • aide à définir des curseurs pertinents
  • facilite une lecture commune de situations complexes
  • permet d’aligner des parties prenantes autour d’objectifs compréhensibles
  • crée un cadre dans lequel d’autres expertises (data, finance, RH, management) peuvent agir efficacement

Référence : Nogier, J.-F. (2016). UX Design et ergonomie des interfaces. Dunod.

Mesurer mieux plutôt que mesurer partout

La cartographie aide aussi à sortir d’un travers fréquent : mesurer trop de choses, mal, et sans lien avec la réalité du terrain. En mettant à plat les systèmes existants, on peut :

  • réduire le nombre d’indicateurs
  • se concentrer sur l’essentiel
  • accepter que tout ne soit pas mesurable immédiatement

Le design ne promet pas une optimisation parfaite, il permet une optimisation progressive, située et consciente.

Ce que le design apporte réellement aux organisations

Au final, le rôle du design dans ce contexte n’est ni décoratif, ni miracle, ni purement opérationnel. Le design agit comme :

  • un outil de clarification
  • un support de décision
  • un accélérateur d’alignement
  • un cadre structurant pour l’amélioration continue

Et la cartographie en est souvent la première brique indispensable. Elle sert à : clarifier les rôles, définir des priorités, choisir des indicateurs réalistes, sortir des décisions à l’aveugle car elle met sous nos yeux des éléments évidents qu’on ne pouvait pas voir sans ce support.

Le design n’est pas une solution miracle, mais il crée les conditions nécessaires à une prise de décision éclairée.
C’est pourquoi il ne faut pas hésiter à engager un travail de cartographie avec un designer (qui aura les techniques) : non pour embellir la réalité, mais pour la rendre lisible et étayée, notamment lorsqu’il s’agit d’appuyer des orientations ou des arbitrages auprès d’une direction.