Freelance or not freelance ? Quel est le bon choix ?
Premièrement, passons rapidement sur le statut d’entrepreneur individuel. On associe souvent le fait d’entreprendre, de travailler seul à la simplicité administrative et organisationnelle. D’ailleurs les formalités sont d’une banalité aberrante. On parle tout de même de gagner sa vie, pas d’aller acheter un sandwich. La simplicité avec laquelle on immatricule des entreprises est déconcertante. On en oublie d’expliquer aux gens les différents statuts, la protection sociale, comment trouver des clients, comment les gérer, comment affronter les difficultés (financières, impayés…). De plus, on sous-estime souvent les compétences et ressources nécessaires pour pouvoir travailler seul. Certes travailler seul pour sa boîte ne veut pas forcément dire travailler tout le temps seul, on peut travailler en coworking, en consulting pour un client avec une équipe, avec d’autres freelances, on est rarement seul finalement. Toutefois, pour prospecter, closer ses clients, suivre ses chiffres, gérer ses contrats, on est majoritairement seul. Accompagné parfois de professionnels mais nous restons seuls décisionnaires de nos actions et quand on ne sait pas si ce qu’on fait est bien ou pas, alors on peut faire des erreurs. On ne s’en rend pas compte mais c’est une charge permanente.
Ai-je le bon contrat de prévoyance ? Ai-je suffisamment de fonds sur mon compte pour tenir tant que je ne peux pas facturer ? Ai-je suffisamment de travail pour les mois à venir ? Vais-je pouvoir payer mon prestataire alors que mon client ne me paie pas ? C’est sérieusement un stress constant. Alors quelles sont les aptitudes et dispositions nécessaires pour être freelance ? Et pourquoi les freelances le restent-ils ? On se le demande ! Je vais te donner quelques éléments que j’ai pu constater en bientôt 16 ans de freelancing.
Alors pourquoi devient-on freelance ?
La majorité des freelances que j’ai rencontrés se sont mis à leur compte suite à un ras le bol de leur emploi salarié. Mais alors devenir freelance règle-t-il tous les problèmes du salariat ? On peut avoir envie de se challenger, prendre plus de responsabilités, avoir un contact plus direct avec les clients. On peut avoir envie de couper avec la routine et le bouchon-boulot-dodo, arrêter de partir tôt pour rentrer tard et voir qu’on passe à côté de sa vie personnelle. Effectivement en étant indépendant on accède à une solution plus évidente pour concilier vie de famille et vie professionnelle. L’absence de routine lourde du salariat est un des traits les plus appréciés lorsqu’on travaille à son compte.
En contrepartie, on peut facilement avancer que le critère le plus pénible est l’argent ! L’absence de revenus réguliers met dans une posture instable qui, au quotidien, peut devenir une source de stress non négligeable et prive certains de projets (immobilier, investissement…). Selon les contextes économiques, la séniorité du freelance ne l’exempt pas d’angoisser puisque souvent, il a une famille, un prêt immobilier…
Je mets un petit warning ici sur les freelances et entrepreneurs qui fleurissent sur le net, surtout sur LinkedIn, avec leur succès qu’on jalouse, les milliers d’euros gagnés par mois à la sueur d’un e-book de 40 pages (quasi vides autant dans le fond que dans la forme) qui aborde sommairement un sujet que Chat GPT aurait pu trouver, et qui par chance se vend tout seul via un lien à 39 euros (bah oui un peu de charm pricing pour se la jouer fin psychologue et manipuler les consommateurs au plus tôt), pendant que son auteur se dore la pilule en mode digital nomad depuis Bali mais bien entendu le l’écologie est importante pour eux et ils ont investi dans Time for The Planet pour se donner bonne conscience. (PS : Time for the Planet c’est très bien 🙏🏽)
Méfiez-vous en pour deux choses :
- 1. Ils ne sont pas autant qu’ils veulent le faire croire. Et s’ils font autant de CA qu’ils le disent, allez calculer le nombre de produits qu’ils doivent vendre, vous vous rendrez compte que souvent ça sonne faux. Tout comme les comptes avec des milliers de followers et 2 commentaires.
- 2. Ils sont toxiques, ils te bouffent le moral. Comment eux, en bossant 4h par semaine, arrivent à faire 100k par mois alors que toi tu trimes comme pas possible avec tes 60h semaine à courir après tes factures pour finir avec allez, si tu t’en sors bien, 2/3k sans avoir encore payé toutes tes charges de l’Urssaf !
Jalouse moi ? Uniquement si ce que je vois est la pure vérité. 😅
Quelles sont les aptitudes et dispositions nécessaires pour être freelance ?
(Cette liste n’est pas écrite par Chat GPT même si je viens d’y penser à l’instant !)
- Autonomie
Tu vas devoir savoir travailler seul et prendre seul des décisions qui vont t’impliquer au mieux toi, au pire ta famille. Tu vas devoir organiser ton temps, tes moments de prospection, ton planning de travail et quand tu n’as personne pour valider tes choix c’est parfois déroutant. - Organisation
T’organiser en tant que freelance est capital. Je voulais trouver un chiffre pour te donner le temps de concentration moyen d’un adulte mais impossible de trouver un chiffre validé par des études scientifiques, donc plutôt que de dire n’importe quoi, sache que si tu travailles de chez toi, rester concentré sur une tâche relève du miracle… Il y a toute ta maison qui crie ton nom : le panier à linge, la vaisselle que les enfants ont laissée de côté, tes animaux qui veulent des câlins, ton aspirateur… bref ! C’est un sacré exercice de rester concentré au quotidien. - Socialisation
Pour trois raisons, la socialisation me semble indispensable.
Pour ton bien déjà, être seul tout le temps n’est pas vraiment idéal. Après je ne dis pas que travailler seul n’est pas appréciable, j’aime beaucoup ça et pour avoir testé plusieurs fois je ne suis pas faite pour les espaces de coworking.
Pour apprendre des autres, comment veux-tu apprendre, évoluer dans ton métier si tu travailles en autarcie ?
Pour ton réseau : Le réseau est vital à ton activité. Créer un réseau c’est long et ça s’entretient, si tu veux te mettre à ton compte c’est la première chose à anticiper. Même si tu as ton premier client, que ton projet n’est pas encore abouti, n’attends pas de te sentir prêt pour réseauter, c’est long, très long et ça prend du temps pour récolter les fruits de ton implication. - Endurance
Et oui, je vais ajouter l’endurance, parce qu’être entrepreneur c’est une course de fond, créer ton réseau, te faire connaître, t’organiser, te faire payer, t’améliorer, apprendre… ça ne vient pas d’une seule traite et puis si tu es du genre eternel.le insatisfait.e comme moi, ça n’est jamais fini !
Pourquoi les entrepreneurs / freelances le restent-ils alors qu’ils passent par des périodes de difficultés financières et morales ?
J’ai toujours trouvé insupportable qu’on cache les mauvais côtés du freelancing. Il faut le savoir, c’est pas rose tous les jours. Parfois le stress de ne pas trouver de clients, de ne pas pouvoir payer son appart, sa bouffe même, la cantine de ses enfants, n’est pas une période appréciable et clairement ça peut plomber fortement le moral.
On peut aussi tomber sur des clients pas toujours réglos, ça m’est arrivé, j’en ai eu le dos bloqué des semaines, des maux de ventres dès le réveil, des insomnies, des crises de larmes… L’envie de changer de taf. C’est un risque à ne pas négliger quand tu travailles seul, un client avec qui ça ne passe pas est un client que tu gardes jusqu’à la fin. Et pas d’excuse aussi simple du genre je romps le contrat car non on ne rompt pas un contrat unilatéralement. Il faut au moins un accord amiable pour ce faire, sinon ton client peut t’emmener au tribunal pour une prestation vendue non réalisée. Et sache que quand tu es seul.e devant ça, tu te sens tout petit (pense à une protection qui te couvre dans le cas où un client t’envoie au tribunal, par contre ça ne couvre jamais les impayés). Si je peux te conseiller, c’est de vraiment te faire confiance avant de signer un client. C’est à dire que si tu as un doute, il n’y a pas de doute ! J’ai payé cher des contrats que j’ai signé à contrecoeur (tiraillée par la peur de ne pas pouvoir payer mes charges), maintenant je préfère encore manger des pâtes tous les jours sur une certaine période que vouloir jeter mon téléphone quand je vois le numéro du client. Parfois, ça ne matche pas avec quelqu’un, si dans la vie personnelle tu ne forces pas les choses alors fais pareil en pro, parce que quand ça va commencer à devenir pénible, il n’y aura que toi et ton client.
Je n’ai pas encore parlé de la solitude, mais même si tu aimes travailler seul, parfois, tu te sens vraiment seul. Par exemple pendant les périodes creuses, tu cherches des clients, t’en trouves pas, t’es seul comme un c*n chez toi, tu te demandes à quoi tu sers, tu sais que les factures tombent, tu sais que tu ne peux pas les payer…
En 16 ans de freelance je pense avoir acquis une sacré capacité de résilience. J’ai appris à faire plus attention à ma santé mentale.
Parlons-en de la santé mentale, l’entrepreneur, cet animal capable de se charger des semaines d’heure de taf, d’y consacrer ses soirées, ses week-ends sous prétexte que “c’est pour moi alors ça va !”, clairement non, t’es fait comme n’importe quel autre être humain, si on ne demande pas aux salariés de faire 70h par semaine c’est qu’il y a une bonne raison. Ce n’est pas tenable. Donc pour toi non plus, tu vas t’écrouler plus ou moins vite. Donc prends du temps pour toi, souffle, donne toi des règles pour tes heures de travail (que tu peux de temps en temps assouplir selon la charge de travail) mais prendre l’habitude de bosser des heures et des heures c’est bon ni pour toi ni pour ton client, et oui, tu auras des ratés à un moment ou à un autre. Et si tu as une famille, tu la mettras de côté et tu te rendras compte que t’as négligé ton conjoint, tes enfants et tu t’en voudras.
La première fois que j’ai été maman, j’ai voulu tout faire parfaitement, au bout de 3 ans j’ai constaté que je ne faisais rien de bien, mon médecin à voulu m’hospitaliser pour burnout, il m’a laissé une semaine pour reprendre mes idées, je lui ai promis que je le ferais. On m’a dit qu’il valait mieux consacrer moins de temps à une tâche (ou a des gens) mais du temps de meilleure qualité. C’est donc ce que j’essaie de faire depuis des années.